Les objets de la discorde : comment restituer les trésors culturels spoliés”
Title: La question épineuse de la restitution du patrimoine africain français
Author: Emmanuel Laurentin
Media Outlet: La Fabrique de l’Histoire - France Culture
Publish Date: November 19, 2018
“(…) Bénédicte Savoy : On entend souvent répéter que 90% du patrimoine historique africain serait hors d’Afrique, le chiffre est difficile à vérifier. Mais on sait en revanche qu’au seul Musée du Quai Branly-Jacques Chirac sont conservées 70 000 pièces venues en France depuis l’Afrique sub-saharienne depuis le milieu du XIXe siècle. Et il faut imaginer des chiffres semblables à Bruxelles, à Stuttgart ou à Londres. Quant aux états africains, leurs plus grandes collections sont composées de 3 000 à 5000 objets. C’est ce déséquilibre-là qui a mené notre démarche. Il ne s’agissait pas de procéder à une quelconque "renationalisation" des œuvres d’art, on ne va pas rendre tout son patrimoine à l’Italie par exemple.
Felwine Sarr : L’Afrique sub-saharienne est un cas d’école : elle est la région du monde qui connaît la plus grande expropriation de son patrimoine. C’est pour cela que celui-ci mérite une attention spécifique. Au-delà des aspects juridiques et techniques de la question des restitutions, il y a d’abord un aspect éthique. II n’est pas juste que l’essentiel du patrimoine d’une communauté soit absent, qu’il ne permette pas à un peuple de reconstruire son histoire, sa mémoire, de reconnecter sa jeunesse avec cette histoire, de faire œuvre de resocialisation de ses objets. L’Afrique sub-saharienne est emblématique de cet absolu déséquilibre. Donc dans ce souci de rééquilibrage, il faut entendre avant tout une volonté de justice, d’équité et d’éthique.